Interview Malakoff Humanis
10 juillet 2025
C’est pourquoi nous lançons en septembre un micro-certificat en partenariat avec Malakoff Humanis sur la gestion et la prévention des arrêts maladie. Marie-Anne Cousin Renié, Directrice du Programme « Prévenir et gérer l’absentéisme » chez Malakoff Humanis, prend la parole pour vous livrer son expertise sur ce sujet et vous présenter ce nouveau parcours de formation.
Cnam Entreprises : Quelle est aujourd’hui la situation de l’absentéisme dans les entreprises ?
Marie-Anne Cousin Renié :
Selon le Baromètre Malakoff Humanis 2025, l’absentéisme reste stable si on regarde les 2 dernières années, avec 42% des salariés s’étant vu prescrire un arrêt maladie en 2024 comme en 2023. Si on regarde en revanche sur une période un peu plus longue en arrière pour intégrer les années avant COVID, l’absentéisme connait une croissance à la fois conjoncturelle et structurelle, conséquence de plusieurs phénomènes combinés.
D’abord, bien sûr, la crise du COVID a eu un impact peut-être plus important que nous ne l’avions imaginé. En effet, cette crise a changé les comportements, notamment des jeunes qui s’arrêtent plus fréquemment, 49% des moins de 30 ans ont connu au moins un épisode d’absence en 2024 : l’absentéisme maladie progresse plus vite chez les jeunes que pour l’ensemble des salariés. Derrière ces chiffres se dessinent des aspirations fortes, telles qu’un besoin d’équilibre et de reconnaissance, mais aussi un attachement profond au travail, loin des clichés de désengagement.
Parmi les effets structurels, le vieillissement de la population active (sous l’effet des différentes réformes des retraites) est un facteur d’aggravation. En effet, l’allongement de la durée de vie professionnelle et le taux d’emploi des séniors, qui n’a cessé de croitre ces dernières années, ont un effet à la fois sur les montants des indemnités versées mais aussi sur la durée des arrêts de travail, puisque les séniors s’arrêtent peu souvent mais pour des durées plus longues que l’ensemble des salariés.
Ces conséquences sont avant tout liées à la dégradation de la santé des travailleurs. 16% des arrêts maladie, au global, ont pour origine un problème psychique ou de l’épuisement professionnel. C’est le deuxième motif d’absence juste derrière les maladies ordinaires (40%). D’ailleurs, la santé mentale a été déclarée grande cause nationale. Les accidents du travail restent également à un niveau très important. Enfin, les salariés les plus âgés sont toujours plus nombreux à finir leur carrière par une période longue et coûteuse d’arrêt maladie, voire d’invalidité.
Les conséquences sont aussi financières : l’absentéisme représente pour 2024 près de 12 milliards d’indemnités versées par la seule Sécurité Sociale. Les entreprises sont fortement contributrices puisqu’elles doivent maintenir le salaire des salariés absents soit directement, soit par le biais de leur contrat de prévoyance, mais elles payent aussi le prix des absences sur leur organisation au quotidien et sur leur productivité. Enfin, les salariés voient leurs revenus entamés lorsque les 3 jours de carence ne sont pas pris en charge ou que leur arrêt se prolonge et que l’indemnisation baisse.
Cnam Entreprises : Pourquoi avoir décidé de lancer la micro-certification "Les clés de la prévention et la gestion de l’arrêt maladie en entreprise "avec le Cnam ?
Marie-Anne Cousin Renié :
Le Cnam est un établissement d’excellence dont la notoriété n’est plus à faire. De nombreux professionnels viennent compléter leurs compétences ou se reconvertir grâce aux enseignements qui y sont proposés partout en France. D’ailleurs, nous ne nous sommes pas trompé puisque depuis 10 ans, Malakoff Humanis et le Cnam ont mis des ressources en commun dans une Chaire partenariale « La Chaire Entreprises et santé ». Nous y conduisons des projets de recherche pour faire progresser la connaissance sur l’absentéisme et la santé au travail, nous concevons des modules de formation en cours du soir mais aussi sous forme de MOOC, ouverts au grand public sur la plateforme France Université Numérique. Lorsque le Cnam nous a parlé de cette nouvelle modalité d’enseignement qu’est le micro-certificat, nous avons trouvé le véhicule idéal pour partager notre expérience acquise au fil des années. Le micro-certificat est un format pédagogique innovant, comme seul le Cnam en a le secret, accessible à tous les acteurs des entreprises qui peuvent avoir un rôle à jouer dans la prévention et la gestion des arrêts maladie. Il a également le mérite de vouloir doter les apprenants de compétences rapidement mobilisables en situation professionnelle. Et c’est ce point en particulier qui nous a convaincus de le faire avec le Cnam.
Cnam Entreprises : Quels sont les bénéfices concrets de cette micro-certification dans la gestion quotidienne de l’absentéisme ?
Marie-Anne Cousin Renié :
Malakoff Humanis connait bien la mécanique de l’arrêt maladie en tant qu’acteur majeur de protection sociale. Aussi nous voyons que les entreprises sont perdues pour aborder ce sujet complexe, quelle que soit leur taille. Cela fait près de 15 ans que nous éclairons le sujet à travers nos études barométriques et nous constatons à quel point les dirigeants sont préoccupés par un phénomène qu’ils ne savent pas comment appréhender et qui pèse de plus en plus sur leur organisation.
Avec ce micro-certificat, les dirigeants, équipes RH et managers d’activité ont des outils pratiques pour comprendre les mécanismes qui impactent la présence ou l’absence d’un salarié. Ils disposent d’indicateurs faciles à calculer, utiles au diagnostic et au pilotage. Ils peuvent trouver des appuis méthodologiques, des bonnes pratiques et faire appel aux aides et dispositifs existants qui permettent de passer à l’action.
La matière partagée est riche, mais les modules sont courts pour faciliter l’ancrage.
Cnam Entreprises : Si vous deviez donner un conseil aux dirigeants d’entreprise pour mieux gérer l’absentéisme, quel serait-il ?
Marie-Anne Cousin Renié :
Difficile de n’en donner qu’un seul ! Si j’allais à la facilité, je dirais : Formez-vous et formez vos parties prenantes pour avoir un référentiel de base commun, vous gagnerez du temps en parlant le même langage. Ce micro-certificat remplit cet objectif !
Mais s’il fallait commencer par quelque chose ce serait peut-être d’adopter une politique des petits pas. L’absentéisme est un sujet sensible, qui émet des signaux au-delà des indicateurs, qui cache des situations complexes liées autant à la sphère privée que professionnelle des salariés. Ce sujet est au carrefour de plusieurs enjeux, il ne doit pas relever de la seule responsabilité des ressources humaines. Il impacte tous les acteurs : salariés, managers, représentants du personnel, services de prévention et de santé au travail mais aussi et avant tout le dirigeant. Un premier pas serait de communiquer sur la situation de l’entreprise en toute transparence et d’annoncer une volonté d’agir de la direction.